Principales causes du départ d’un enfant dans la rue
En RDC, dans les grands quartiers populaires de Kinshasa où nous intervenons, la misère s’aggrave chaque jour de manière alarmante.
Face à un chômage endémique et à un manque d’opportunités économiques, la population se retrouve contrainte de survivre dans le secteur informel, dans des conditions souvent précaires.
Ce sont surtout les enfants qui paient le prix fort de cette situation désastreuse. En l’absence de travail pour leurs parents et de services publics adéquats, de plus en plus d’enfants se retrouvent livrés à eux-mêmes, errant dans les rues, privés d’éducation et exposés à de multiples dangers.
A l’image du pays, les familles sont de plus en plus disloquées, fragilisées par des pressions quotidiennes insoutenables liées à la survie. Elles peinent à résister aux difficultés économiques, aux tensions sociales et à l’instabilité qui marquent leur quotidien.
Ce chaos familial se répercute directement sur les enfants qui, au lieu de grandir dans un environnement protecteur, se retrouvent pris au piège de cette instabilité.
Dans de nombreuses situations, par exemple lorsque le nouveau conjoint perd son emploi ou qu’un accident survient, les enfants sont les premiers à être accusés de sorcellerie.
Ils constituent un bouc émissaire facile dans un contexte de désespoir et de croyances profondes.
Cette accusation injuste, alimentée par la peur et l’ignorance, jette ces enfants dans un cycle de rejet et d’abandon, les exposant à des violences physiques et psychologiques.
Il faut pouvoir les identifier dès leurs premiers jours dans la rue.
Nécessité d’un système d’alerte précoce
La mise en place d’un système d’alerte précoce permet de repérer le plus tôt possible l’arrivée d’un enfant dans la rue.
Ce système repose sur la mobilisation collective de tous les acteurs communautaires : chefs de quartiers, forces de l’ordre, mamans commerçantes, leaders jeunesse et autres partenaires locaux. Ces derniers jouent un rôle crucial en surveillant les sites de concentration afin d’identifier rapidement les nouveaux enfants arrivant dans la rue. En les détectant le plus tôt possible, nous pouvons mettre en place des interventions précoces, ce qui augmente considérablement les chances de leur réintégration familiale.
Plus un enfant reste longtemps dans la rue, plus il risque de sombrer dans des dérives dangereuses telles que l’usage de drogues ou d’alcool, qui compliquent leur réinsertion.
L’objectif est de limiter au maximum le temps passé dans la rue. En effet, chaque jour en moins passé à errer seul dans la rue représente une opportunité supplémentaire pour sauver cet enfant d’une spirale de violence et de marginalisation. Grâce à ce système d’alerte, nous pouvons agir avant qu’il ne soit trop tard et éviter que ces enfants ne deviennent des victimes invisibles, piégées dans un cycle sans fin d’exploitation et de souffrance.
Cette année, nous avons pu ramener 89 enfants dans leur famille sans qu’ils aient passé trop de temps dans la rue. En 2023, ils n’étaient que 61 dans ce cas. Signe que le dispositif fonctionne bien.
Ce sont autant de souffrances en moins pour ces enfants qui bénéficient par la suite, comme tous les autres, du suivi d’un animateur de Ndako Ya Biso. Car même s’il n’ont passé que peu de temps dans la rue, il faut comprendre pourquoi ils ont fait ce choix.
Christian a dix ans, il est né dans une famille de cinq enfants où il occupe la deuxième position. Son père est malheureusement décédé en 2020 des suites de la malaria. Un décès qui aurait pu être évité si la famille avait disposé des moyens financiers nécessaires pour une prise en charge médicale adéquate. Avant le décès du père, la famille vivait à Bandundu. En 2017, face à la situation économique difficile, ils ont décidé de s’installer à Kinshasa, espérant trouver de meilleures opportunités.
La mère gagne sa vie en cultivant des plates-bandes de feuilles de patate douce, des légumes comme les amarantes et l’oseille. Son commerce permet tout juste de subvenir aux besoins de la famille, ils vivent dans des conditions de grande précarité, louant péniblement une maison à 10 $ par mois.
En 2021, Christian a terminé sa troisième primaire. Suite au décès de son père, il n’a pas pu retourner à l’école et a dû commencer à travailler pour aider à subvenir aux besoins de la famille. Il a trouvé un petit commerce de vente d’eau sur le marché local. Il s’est mis à rentrer de moins en moins régulièrement chez lui et a pris l’habitude de rester dormir sous les étals du marché.
C’est à ce moment-là que le responsable du marché local a décidé de nous contacter pour nous confier cet enfant. Nous l’avons ramené chez sa mère qui l’a chaleureusement accueilli. Elle l’a serré dans ses bras avec une joie immense et un soulagement évident.
Nous avons immédiatement pris des mesures pour lui offrir une chance de poursuivre sa scolarité. Christian a été inscrit dans une école proche de chez eux, il fréquente désormais la quatrième primaire.
Dans le but de soutenir davantage la famille, nous avons proposé à la maman un microcrédit de 50 $ afin qu’elle puisse relancer son petit commerce de vente de condiments sur le marché local. Ce soutien financier aidera non seulement à améliorer les conditions de vie de la famille, mais aussi à renforcer l’autonomie de la mère, lui permettant de mieux subvenir aux besoins de ses enfants.
Cette histoire est un exemple de résilience face à l’adversité, mais aussi de l’importance du soutien communautaire et de l’intervention en temps utile pour offrir aux enfants comme Christian une chance de se reconstruire et d’avoir un avenir meilleur.
Restons plus que jamais présents aux côtés de ces enfants.
Pour les aider, n’hésitez pas à faire un don ou à parrainer l’action du Centre Ndako Ya Biso.