Des enfants des rues invités au Tribunal pour Enfants de Kinshasa
Une expérience émouvante
Lorsqu’ils fréquentent le centre depuis un certain temps, à partir du moment où la confiance est établie, les enfants de Ndako Ya Biso posent tous beaucoup de questions.
Pourquoi sont-ils accusés de sorcellerie si injustement ?
Pourquoi dorment-ils dans la rue quand d’autres vivent avec leur famille ?
Pourquoi ne peuvent-ils aller à l’école comme tous les enfants qu’ils voient passer avec leur cartable au dos ?
Ensemble, on essaie de répondre, même si ce n’est pas toujours facile.
Voici quelques-unes des réponses apportées par les enfants qui vivent encore dans les rues de Kinshasa :
- L’enfant a été chassé de la maison, ce qui constitue une violation de son droit à la protection.
- La maltraitance parentale porte atteinte à sa liberté.
- L’exclusion familiale empêche l’enfant de jouir de son droit à l’appartenance, de fréquenter l’école, de recevoir des soins médicaux et de se nourrir correctement.
Ces échanges sur leurs droits se faisant de plus en plus nombreux, et l’idée nous est venue de les emmener au Tribunal pour Enfants pour y trouver plus de réponses.
Nous avons sollicité la Présidente du Tribunal pour Enfants de Kinshasa, celle-ci a jugé cette initiative intéressante et a immédiatement invité nos enfants à lui rendre visite.

30 enfants de notre centre, garçons et filles à part égale, ont répondu à l’invitation. Notre petite délégation est arrivée au tribunal vers 10h30 et a été agréablement surprise par l’accueil qui lui a été réservé. Le comité du tribunal avait dressé une tente et disposé des chaises pour recevoir les enfants.
La Présidente a souhaité la bienvenue à tous, et particulièrement aux enfants, exprimant sa joie de les recevoir. Elle a ensuite présenté son tribunal, expliqué son rôle et répondu aux questions des enfants. Puis, elle a guidé elle-même la visite du tribunal.

Quand la Présidente leur a demandé pourquoi il existe un tribunal pour enfants, un enfant a répondu : « Parce que les enfants sont trop jeunes pour se défendre seuls ».
Un autre a ajouté que les affaires des enfants sont spécifiques et nécessitent une attention particulière en ce qui concerne leurs droits et devoirs.
La Présidente les a félicités pour leur participation active avant de détailler le fonctionnement et l’organisation du tribunal. Elle a particulièrement insisté sur la procédure applicable aux enfants en conflit avec la loi. Elle a cité un exemple récent impliquant des élèves d’une école voisine qui s’étaient battus après les examens nationaux, entraînant une intervention des autorités.
Les enfants ont ensuite posé des questions émouvantes :- Une fille de 13 ans a expliqué qu’elle avait été chassée de chez elle, accusée de sorcellerie par sa belle-mère qui l’accusait d’être la cause des malheurs de la famille.
- Un garçon de 15 ans, atteint de drépanocytose, a raconté qu’il était rejeté par toute sa famille, accusé de sorcellerie en raison de sa maladie et de ses crises répétées.
- Un enfant de 11 ans a partagé que sa mère, remariée, ne voulait plus le voir pour préserver son nouveau mariage.
- Un autre a demandé pourquoi le tribunal n’intervenait pas pour protéger les enfants rejetés et stigmatisés par leur famille. Il a aussi évoqué la brutalité policière à l’égard des enfants des rues, souvent arrêtés et maltraités sans raison.
La Présidente a répondu qu’aucun enfant ne pouvait être accusé de sorcellerie et a rappelé que la loi protège les enfants contre de telles accusations. Hélas, cette loi ne soit pas toujours appliquée…
Elle a également souligné que tout acte de maltraitance commis par un adulte à l’encontre d’un enfant devait être traité par le tribunal pour adultes.
Une fille de 10 ans en situation de handicap a imploré la Présidente d’intervenir personnellement dans son dossier.
Son beau-père l’accuse de sorcellerie et refuse qu’elle retourne chez elle auprès de sa maman. Profondément touchée, la Présidente a demandé à ses services de s’occuper immédiatement de son cas.
Un enfant a demandé si un enfant des rues était considéré comme un enfant en conflit avec la loi.
La Présidente a répondu que ce n’était pas le cas, mais que cela pouvait le devenir si l’enfant commettait des délits tels que le vol ou l’agression.

Après ces échanges, la Présidente a fait visiter les bureaux du tribunal aux enfants et les a invités à s’asseoir dans son propre bureau.
Très émue par cette rencontre, elle les a encouragés à garder espoir et à ne jamais se décourager. Enfin, elle leur a offert des boissons pour partager un moment de convivialité avec eux.
Cette visite et tous ces échanges resteront gravés dans la mémoire des enfants. Ils ont eu le sentiment d’être entendus et compris. De tels moments sont des étapes importantes sur le chemin de leur réconciliation avec eux-mêmes, mais aussi avec leur famille et la société qui les ont marginalisés.
Nous livrons ces différents témoignages pour montrer la diversité des souffrances que vivent ces enfants des rues mais aussi l’espérance que nous parvenons à leur rendre.
Pour les aider, n’hésitez pas à
parrainer ces enfants des rues de Kinshasa.

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