Une situation qui empire
Depuis plusieurs mois, nous relayons les mauvaises nouvelles venant d’Haïti, en se disant que demain sera un jour meilleur.
En réalité, la situation empire, si tant est que cela est possible. Aujourd’hui tout le pays est bloqué. Les gangs ont mis la main sur les dépôts de carburant et paralysent ainsi tout le pays.
Les écoles, comme toutes les entreprises, ont du mal à fonctionner normalement. L’accès aux transports devient le plus grand obstacle. Cependant, beaucoup d’écoles essaient tant bien que mal de travailler.
Face à la pénurie ou à l’arrêt des transports, les enseignants peinent à atteindre leur lieu de travail. Les écoles n’ont plus d’accès à l’électricité. Toutes dépendent de groupes électrogènes qui ne peuvent pas fonctionner par manque de carburant. Les liaisons par Internet sont elles aussi très aléatoires.
Tout cela sur un fond d’insécurité totale. On n’est jamais à l’abri d’une balle perdue, d’un kidnapping.
Situation à Cité Soleil
Le bidonville de Cité Soleil est lui aussi soumis à la loi des gangs. La situation y est explosive. Le regroupement de gangs dirigé par le fameux « Barbecue » contrôle toute la partie Est de la Cité Soleil, jusqu’à la route neuve qui sépare le bidonville en deux.
L’autre partie, cité Linthau où se situe l’école St-Alphonse de Cité Soleil, est contrôlée par « Gabriel » qui s’oppose aux gangs de Barbecue. Depuis plusieurs mois une guerre de territoires entre ces deux zones fait rage faisant de nombreuses victimes et créant une insécurité sans pareil.
Il est très difficile de se rendre à l’école en traversant ces zones. Et ceux qui viennent de l’extérieur le font au péril de leur vie. Pourtant, dès qu’ils le peuvent, les enfants affrontent l’insécurité pour aller en classe : la promesse d’un repas chaud est plus forte que tout.
Une rentrée en pointillés, un fonctionnement au ralenti
Les écoles Saint-Alphonse
La rentrée scolaire s’est effectuée dans une ambiance et une coordination extrêmement tendues et difficiles.
Prévue le 6 septembre, elle a été renvoyée au 21 septembre mais n’a vraiment été effective qu’en octobre. Son organisation s’est montrée très compliquée.
Un problème de taille se pose au niveau des enseignants. Ceux qui n’habitent pas à Cité Soleil ne peuvent que très difficilement pénétrer dans le bidonville et sont dans l’incapacité de venir travailler.
Il se trouve que les instituteurs du primaire habitent dans la zone, contrairement aux professeurs du collège et lycée. Ils peuvent donc venir à l’école, ce qui a permis d’ouvrir toutes les classes depuis la maternelle jusqu’à la 8ème année fondamentale à Saint-Alphonse Cité Soleil.
Par contre, aucune école secondaire ne fonctionne en ce moment dans le bidonville et Saint-Alphonse n’échappe pas à la règle. Les professeurs ne peuvent ou ne veulent y pénétrer.
Nous avons donc du transférer à Saint-Alphonse Fourgy, en périphérie du bidonville, toutes les classes de la 9ème année fondamentale à la Philo. Mais le long trajet à pied à faire quotidiennement pour venir à l’école représente un réel obstacle pour les collégiens dont le domicile est trop éloigné.
Nous craignons un fort taux d’absentéisme, en espérant de toutes nos forces que cela n’aboutisse pas à des abandons scolaires en cascade. Là encore, la cantine devra jouer son effet attractif pour maintenir les élèves à l’école.
L’Institution Le Sel fonctionne tant bien que mal.
Au niveau de la Croix-des-Bouquets, en plus du problème de produits pétroliers se pose la présence du gang dénommé « 400 Mawozo » qui sème la terreur. Ils volent, violent et kidnappent en exigeant des rançons faramineuses.
Ce gang aurait enlevé 17 missionnaires nord-américains et exige 17 millions de dollars américains, soit un million par missionnaire.
La peur gagne tous les esprits.
Beaucoup de parents ont dû fuir la zone avec leurs enfants.
Pourtant, IPEDH fait tout pour que l’Institution Mixte le Sel fonctionne. Malheureusement, les jours se suivent mais ne se ressemblent pas toujours. Selon les circonstances et les évènements, il arrive que l’école ne fonctionne pas.
Un des enseignants a dû laisser son emploi : son salaire couvrait à peine ses frais de transport.
Pourtant, aller à l’école reste pour ces enfants placés en domesticité et scolarisés à l’IMS un temps unique où ils peuvent vivre une vie d’enfant.
La situation tragique que connaît le pays nous oblige à être encore davantage présents aux côtés de ceux qui souffrent le plus : les enfants d’Haïti.
Nous ne pouvons rester insensibles.
Continuons ensemble à tout mettre en œuvre pour que ce temps leur soit préservé et qu’ils puissent croire en un avenir meilleur.
Un grand merci de tout cœur à tous ceux qui soutiennent nos écoles et tous leurs enfants en Haïti.
Sans vous, rien ne serait possible !