Filles de la rue hier, femmes autonomes et entrepreneures aujourd’hui
A l’occasion de la Journée internationale des droits des Femmes, Ndako Ya Biso pose les jalons en organisant trois événements festifs sur le thème de l’autonomisation des filles ayant connu une situation de rue.
Trois groupes distincts étaient concernés : les filles hébergées dans notre centre (6 à 14 ans), les grandes filles encore en situation de rue (18 à 30 ans) et les jeunes femmes ayant connu la rue, actuellement en insertion.
Une interpellation sur leur avenir
pour les filles hébergées dans notre centre
Educatrices et enfants se sont donné rendez-vous sous le manguier du centre pour une causerie éducative.
Agées de 6 à 14 ans, nos filles en situation de rue ont été sensibilisées sur leurs droits et leur autonomisation.
« Dans le temps, les femmes ont lutté pour obtenir les droits. Aujourd’hui, notre génération en bénéficie. Nous devons nous aussi nous engager pour plus de droits en commençant par le plus basique, celui d’avoir une famille ».
C’est en ces termes que la journée a été introduite.
Avec beaucoup d’enthousiasme, les fillettes ont mis en scène une pièce de théâtre sur le thème du jour. Cette pièce démontrait le bien-fondé d’accorder les mêmes chances aux filles et aux garçons dans leur éducation et leur formation.
Elles ont particulièrement fustigé la discrimination des filles dans les familles et le milieu scolaire, incitant les adultes à s’investir pour l’autonomisation des filles, surtout celles en situation de rue.
Prenant la parole à tour de rôle, les éducatrices ont rappelé aux filles l’importance de l’attention à accorder à leurs études et leur formation professionnelle.
« Les filles, femmes de demain, doivent se former pour prendre leur place dans la société. Peu importe que l’on devienne femme de ménage ou bureaucrate, commerçante ou encore entrepreneure. Ce qui compte, c’est ce qu’on a dans sa tête et ce qu’on peut en faire pour transformer son milieu de vie. ».
La vie, a souligné une éducatrice, est une page vierge où chacune doit écrire son histoire, en l’agrémentant à sa façon de dessins et de fioritures qui l’enrichissent et lui donnent de la valeur.
Encouragées par les adultes, les filles se sont engagées à prendre à bras-le-corps cette lutte et quitter la rue pour reconstruire leur vie.
Pour leur part, les éducatrices et éducateurs ont réaffirmé leur volonté d’assurer un accompagnement psychosocial de qualité pour la réinsertion sociale de ces filles.
La causerie éducative s’est clôturée dans une belle ambiance autour d’un bon repas … servi par quelques hommes de l’association venus gentiment honorer la gente féminine !
Une journée sur leur dignité
pour les grandes filles de la rue
Autonomiser la femme tout en gardant sa dignité ! Tel était le thème de la journée organisée pour 58 jeunes femmes, âgées de 18 à 30 ans, suivies par Ndako Ya Biso.
L’intervenante les a aidées à comprendre ce qui signifie « se prendre en charge » par une pièce de théâtre exécutée par les jeunes elles-mêmes.
L’objectif était de les amener à établir la différence entre la vie de famille quand les parents sont en mesure de prendre en charge leur progéniture et la vie de famille quand ils n’en sont pas capables.
A l’issue du spectacle, 4 groupes de réflexion ont été formés. Chaque groupe devait répondre aux trois questions suivantes :
- Nommer votre groupe de réflexion.
- L’autonomisation de la femme est-elle possible ?
- Comment la femme peut être autonome ?
Répondre à ces questions a aidé les jeunes filles à comprendre qu’elles ont de la valeur et qu’elles sont capables de devenir autonomes.
Voici les réponses de chaque groupe :- Groupe 1 « Sauver la femme »
L’autonomisation de la femme est possible. Pour que celle-ci devienne autonome, elle doit travailler, faire une formation dans un domaine précis. Elle peut aussi faire un petit commerce et garder sa dignité tout en se respectant. - Groupe 2 « Femme de valeur »
Les grandes filles ont indiqué qu’une femme est capable de se prendre en charge à travers son travail. Elle peut devenir journaliste, policière, danseuse, vendre et faire des voyages dans le monde entier. - Groupe 3 « Femme d’affaires »
L’autonomisation de la femme est possible. Elle peut devenir commerçante, voyager pour gagner sa vie ; elle peut aussi devenir femme de ménage. Elle est capable de faire une formation quelconque pour pouvoir se prendre en charge, louer une maison et surtout valoriser son travail. - Groupe 4 « Femme forte »
Une femme forte doit montrer ses talents. Elle doit se faire respecter à travers son comportement, son habillement et sa façon de parler. Elle doit étudier pour devenir autonome.
Après cette réflexion en groupe, une deuxième pièce de théâtre consistait à montrer aux jeunes comment la vie devient simple et belle quand on a sa propre source de revenu et que l’on peut être indépendante.
En guise de conclusion, les grandes filles en situation de rue ont été invitées à énumérer les activités qui valorisent une femme et celles qui la dévalorisent.Voici les réponses des jeunes :
● Les travaux qui valorisent la femme : coupe/couture, esthétique, journaliste, éducateur, professeur,…
● Les travaux qui dévalorisent la femme : la prostitution, la mendicité, le vol,…
« La femme gardera sa dignité tout en restant elle-même c’est-à-dire, en effectuant un travail selon ses compétences pour son autonomisation.
Si la femme arrive à se prendre en charge, elle ne perdra pas sa dignité. Elle doit aussi oublier son passé qui l’accable et préparer le futur », a indiqué l’intervenante du jour avant de lancer un vibrant appel aux grandes filles de la rue :
« Femme, réveille-toi pour donner le meilleur toi-même ! ».
La jeune Ruth, une ancienne de la rue devenue autonome grâce à son travail, a donné son témoignage pour encourager ses camarades.
Issue d’une famille très pauvre, elle a très vite été obligée de se prostituer pour la survie de ses enfants. En plus des deux siens, elle a à sa charge les deux enfants de sa défunte sœur.
Elle a bénéficié de l’accompagnement psychosocial à la maison d’écoute Ndako Ya Biso pour les grands jeunes de la rue. Elle y a aussi suivi une formation en coupe/couture et reçu des appuis ponctuels.
Aujourd’hui, elle est tirée d’affaire. Autonome, responsable dans un atelier de couture, elle fait en plus des ventes ambulantes de robes qu’elle confectionne.
Un week-end de réflexion sur leur vie
pour les jeunes filles en insertion
Ce week-end s’adressait aux jeunes filles ayant connu la rue que nous accompagnons actuellement dans l’entreprenariat.
Au-delà du volet accompagnement vers l’autonomie par l’entreprenariat, il a fallu inclure un volet essentiel sur la santé reproductive.
On constate en effet de nombreuses grossesses non désirées parmi les jeunes filles en insertion.
Ces grossesses aboutissent hélas la plupart du temps à l’abandon leur petite entreprise, au moment même où elles sont en train de démarrer leur nouvelle vie.
Une infirmière expérimentée dans l’accompagnement des jeunes s’est jointe à l’équipe d’insertion professionnelle.
Une séance très mouvementée avec de nombreuses questions a permis de se rendre compte de leur grave manque de connaissances dans le domaine de la santé reproductive. Elles ont fait part de leurs peurs dans leurs relations avec les garçons. Souvent, les filles ont peur d’être rejetées par les garçons si elles résistent à leurs demandes.
C’est pourquoi elles se laissent faire sans savoir comment prendre leurs précautions. Mais elles ont aussi peur de la grossesse, elles craignent également leurs familles qui ne voient pas d’un bon œil leurs relations avec des garçons.
En ce qui concerne les dispositions à prendre pour sauver leurs petites entreprises, elles ont jugé indispensable de faire la part des choses entre les affaires et l’amour.
Elles ont affirmé l’importance d’être professionnelle pendant et sur le lieu de travail et de mettre en pratique les différentes méthodes de contraception pour éviter les grossesses non désirées qui peuvent mettre en péril leurs entreprises.
Quelques unes ont expliqué aux autres leur joie de découvrir des méthodes contraceptives qu’elles ignoraient et de se connaitre ainsi davantage elles-mêmes.
A la fin du week-end, toutes les filles ont exprimé leur satisfaction d’avoir pu débattre d’un tel sujet sans retenue avec une spécialiste qui n’a évité aucune question et les a traitées avec respect.
Ensemble, restons aux côtés de ces jeunes filles et accompagnons-les vers leur autonomie.
Nous livrons ces différents témoignages pour montrer la diversité des souffrances que vivent ces enfants des rues mais aussi l’espérance que nous parvenons à leur rendre.
Pour les aider, n’hésitez pas à
parrainer ces enfants des rues de Kinshasa.