Un levier pour sortir de la rue
Chaque jour, le centre Ndako Ya Biso accueille et suit des enfants vivant dans la rue. Majoritairement, ils sont accusés de sorcellerie et rejetés par leur famille.
En 2022, 221 d’entre eux ont ainsi pu être réunifiés en famille, de manière durable et sans rechute.Pour certains, c’est plus difficile. Le nombre d’années passées dans la rue rend la réinsertion dans la société plus compliquée. Depuis plusieurs années, nous maintenons notre présence aux côtés de ces « grands jeunes de la rue ». Nous la maintenons aussi longtemps qu’ils le désirent, c’est-à-dire aussi longtemps que l’espérance est là. Aussi longtemps, qu’ils croient qu’un avenir existe pour eux ailleurs que dans la rue.
Une d’alphabétisation adaptée aux jeunes de la rue
Ces « grands jeunes » ne sont pour la plupart jamais allés à l’école. Pourtant, savoir lire, écrire, compter est le minimum pour accéder à des petits boulots. Nous avons mis en place à leur intention un programme d’alphabétisation spécialement adapté. Il est suivi cette année par un groupe de 60 jeunes, volontaires et très motivés.
Jours | 8h à 10h | 10hà 12h | 13h à 15h |
Lundi | Filles niveau moyen | Garçons débutants | Garçons niveau moyen |
Mardi | Filles débutantes | Garçons débutants | Garçons niveau moyen |
Mercredi | Filles niveau moyen | Filles débutantes | Garçons niveau moyen |
Jeudi | Filles débutantes | Garçons débutants | Garçons niveau moyen |
Vendredi | Filles niveau moyen | Garçons débutants | Réunion des grands jeunes |
Samedi | Filles débutantes | Préparation des cours | Préparation des cours |
Respecter et accepter un grand jeune tel qu’il est, sans jugement, demeure le moyen le plus simple, facile et efficace pour gagner sa confiance.
Malgré toutes les conditions très difficiles de leur vie quotidienne, nous avons enregistré au cours du premier trimestre une parfaite harmonie fondée sur la confiance entre les jeunes et leur alphabétiseur.
Tout au long du trimestre les jeunes se sont montrés intéressés et déterminés à apprendre malgré toutes les contraintes de la rue et de leurs environnements sociaux.
25 n’étaient jamais allés à l’école, dont 15 filles. Tous ont terminé le 1er trimestre. Leur taux de réussite est très satisfaisant. De 74 % pour les filles, il est de 78 pour les garçons. Ils sont tous extrêmement motivés.
L’effectif total à la fin du premier trimestre est de 52.
8 jeunes ont abandonné, exposés à de multiples difficultés :
- L’instabilité sociale.
- Les arrestations par les militaires et policiers en rapport avec leur passé, ce qui les oblige parfois à se déplacer brusquement d’une commune à l’autre. C’est ce qui s’est produit pour 5 jeunes.
- Les petits conflits entre les différents groupes (bases) des grands jeunes en situation de rue qui les empêchent parfois d’accéder au centre.
- Les maladies et autres…
En avril, ils ont passé un examen pour connaitre leur niveau et leur progression.
Les épreuves d’évaluation concernaient la lecture, la dictée et le calcul.
Pour la tenue de cahier, nous avons apprécié l’écriture et le soin en général.
Nos grands jeunes qui vivent dans la rue ont des difficultés à trouver un lieu appropriés pour bien garder leur cahier. Malgré les mauvaises conditions sociales dans lesquelles ils vivent, ils désirent toujours l’emporter avec eux pour s’exercer à travailler et revoir ce qu’ils ont appris en cours.
Durant ce premier trimestre 2023, seuls deux d’entre eux ont perdu leurs documents. Ils ont été noyés lors de pluies diluviennes qui ont emporté toutes leurs affaires.
Chaida a témoigné.
Elle a 23 ans et est orpheline. Elle a fait partie de la précédente promotion.
Mes parents sont morts alors que j’étais encore très petite. En grandissant, je n’ai trouvé aucun membre de ma famille ou quelqu’un de bonne foi pour m’aider et me scolariser. J’ai donc grandi dans la rue avec les autres filles qui m’ont aidée à m’intégrer en pratiquant toutes les mauvaises habitudes de la rue. Elles m’ont appris la drogue, la prostitution et toutes les autres formes des bêtises de la rue.
Un jour, j’ai connu Ndako Ya Biso. Le responsable m’a proposé l’accès à une formation de mon choix en commençant par l’alphabétisation. Je ne suis jamais allée à l’école, je ne pouvais pas faire le test. J’avais juste une bonne motivation d’apprendre. Pour me rendre au centre Ndako Ya Biso, je devais traverser trois communes. Courageuse que je suis, je suis souvent venue à pied faute de moyens pour payer le transport. J’ai réussi à finir la formation en alphabétisation et je suis fière aujourd’hui d’être capable de lire et d’écrire.
Samuel témoigne aussi
Il a commencé l’alphabétisation en janvier 2023.
Je me rappelle mon premier jour d’arrivée au centre : j’étais incapable de tenir un stylo pour faire mon petit test d’appréciation de niveau. J’étais conscient que je ne serai pas en mesure de faire ce test à cause de ma non scolarisation entrainée par le décès de mon père. Ma maman n’était pas en mesure de me mettre à l’école. Petit à petit, je suis tombé dans rue et j’y suis resté plus de cinq ans.
Heureusement, l’enseignant de Ndako Ya Biso m’a encouragé en disant, je sais que tu n’as pas eu la chance de faire même quelques jours à l’école, que cela ne te décourage pas, il ne faut pas avoir honte, sois calme et courageux et implique-toi dans notre programme de formation. Je suis certain qu’au bout de six mois d’alphabétisation, tu seras capable de lire et d’écrire.
J’ai mis en pratique tous ses conseils, me voici aujourd’hui devant vous avec mon papier que j’ai moi-même écrit. Mon petit témoignage que je voudrais vous lire pour vous montrer que suis aujourd’hui capable de lire et écrire.
C’est une première victoire pour ces jeunes.
Un premier pas vers une nouvelle vie qui peut s’offrir à eux.
Pour les aider, n’hésitez pas à faire un don ou à parrainer l’action du Centre Ndako Ya Biso.